Construction : 1525, 1677-1679
Utilisé par : Angleterre, France, Espagne
Conflits auxquels elle a participé : Guerre de quatre-vingts ans, Seconde Guerre mondiale
L’histoire de Calais a de quoi réchauffer le cœur d’un amoureux des étoiles. Capturée par les Anglais en 1347 à la suite de la bataille de Crécy, elle est restée le “joyau le plus brillant de la couronne anglaise” jusqu’en 1558, date à laquelle les Français l’ont reprise… avant d’être capturée par l’Espagne en 1596. Que se passe-t-il lorsque trois des principaux pays constructeurs de forts en étoile du monde se retrouvent à la tête d’une ville ? Des forteresses étoilées !
Un coup d’œil sur la carte révèle que Calais est à peu près aussi proche de l’Angleterre qu’on peut l’être du continent européen. Les falaises blanches de Douvres sont facilement visibles de Calais par temps clair.


Ce fait n’a pas échappé à Jules César (100-44 av. J.-C.), qui y a rassemblé cinq légions (environ 25 000 hommes), un millier de bateaux et deux mille chevaux (“le castrum romain de Caletum”) en 55 av. J.-C., avant son invasion de la Grande-Bretagne.Bien que Calais fût déjà un port naturel, Baudouin IV de Flandre(“le Barbu”) (980-1035), comte de Flandre, a supervisé le creusement et l’agrandissement du port en 977 après J.-C.. C’est également à cette époque que la ville a été sérieusement fortifiée pour la première fois, avec l’édification d’un château et d’épaisses murailles. Entourés de marécages, la ville et le port n’étaient accessibles par voie terrestre qu’avec une extrême difficulté, ce qui en faisait une zone délicieusement défendable. En 1224, Philippe Ier (1200-1235), comte de Boulogne, a encore fortifié Calais. En raison de sa proximité avec l’Angleterre, le commerce maritime transite par Calais : l’étain, le plomb, le tissu et, surtout, la laine sont acheminés vers le royaume insulaire, toujours en proie à l’agitation. L’un des facteurs étranges qui a conduit à faire de Calais une possession anglaise est la revendication du roi Édouard III (1312-1377) au trône de France. En raison d’une série de problèmes de lignée remontant à la conquête normande du XIe siècle, Édouard pouvait en quelque sorte revendiquer légitimement le trône, mais cela semblait davantage lié à son désir de brouiller les pistes et de s’emparer de terres qui n’appartenaient manifestement pas à l’Angleterre. Mais il s’en est emparé. Le roi de France Charles IV (“Le Bel” et/ou “Le Chauve”) (1294-1328) a la témérité de mourir sans héritier mâle en 1328.



Le neveu maternel de Charles, Édouard, revendique le trône, mais les Français optent pour un vrai Français, Philippe VI (“Le Fortuné”) (1293-1350), à la place. Édouard l’accepta à l’époque, mais lorsque M. Fortuné commença à confisquer les terres anglaises en France (que nous reconnaîtrions aujourd’hui assez facilement comme des terres françaises, mais l’Angleterre et la France étaient quelque peu imbriquées sur le plan dynastique depuis la conquête normande susmentionnée), Édouard réaffirma sa revendication et la guerre de Cent Ans (1337-1453) fut déclenchée.

Après la surprenante victoire d’Édouard sur les Français à la bataille de Crécy le 26 août 1346, l’armée anglaise victorieuse assiège Calais en 1347. Calais opposa une “défense obstinée” suffisante pour énerver Édouard (comment oses-tu défendre ta ville contre moi !!??), et une fois que les Anglais eurent pris possession de la ville, ils en expulsèrent presque tous les habitants français : C’était désormais une ville anglaise !
Ce que confirme le traité de Brétigny, ratifié en octobre 1360 : Calais, ainsi que les îles Guernesey et une grande partie du sud-ouest de la France ont été concédés à l’Angleterre à perpétuité, en échange de l’abandon par Édouard de ses prétentions au trône de France, et s’il vous plaît, retournez en Angleterre maintenant. Pfiou ! Heureux que cela soit réglé !
(Quelle que soit la véracité des prétentions d’Édouard III au trône de France, tous les monarques anglais (ou britanniques) qui lui ont succédé ont fait de même, jusqu’en 1801, date à laquelle la France en a eu assez de toute cette histoire et est devenue une république).
Calais devint partie intégrante de l’Angleterre, avec sa propre représentation au Parlement, mais une grande partie de la France n’était pas convaincue. L’Angleterre entreprit donc un effort massif de fortification, dont le pivot était un système d’écluses sur la rivière Hames, dont la fermeture rendrait la campagne environnante encore plus impraticable qu’elle ne l’était déjà en l’inondant. À proximité de ces écluses se trouvait un pont sur la Hames, qui représentait le seul moyen d’accéder à Calais par la terre. Ces écluses et ce pont devaient être protégés par un fort, et ce fort était le fort Nieulay.
De nombreuses autres fortifications ont été construites pour défendre Calais : La plus intéressante d’entre elles est le fort Risban, que nous évoquerons plus tard.
Trois ingérences du Fort Nieulay
De haut en bas : Le fort Nieulay dans sa première incarnation anglaise de 1525 , le charmant fort Richelieu de 1637, et le chef-d’œuvre Vaubannien de 1677.
Le premier petit fort de Nieulay avait une garnison permanente de 20 hommes, qui pouvait atteindre 200 en cas de besoin. L’une des raisons pour lesquelles Calais est resté si longtemps aux mains des Anglais était la concurrence entre la Bourgogne et la France, qui souhaitaient toutes deux avoir Calais pour elles-mêmes et considéraient que sa possession par les Anglais était préférable à celle des autres Français.

La perpétuité n’a duré qu’une centaine d’années dans le cas de la plupart des possessions françaises de l’Angleterre : À la fin de la guerre de Cent Ans, au milieu du XVe siècle, seul Calais est resté anglais. La France s’est finalement ressaisie en janvier 1558, lorsque le roi Henri II (1519-1599) a envoyé une force sous les ordres de François, duc de Guise (1519-1563), pour reprendre Calais. Cette force réussit à surprendre la garnison du fort Nieulay, les écluses restèrent ouvertes et Calais retourna dans l’étreinte chaleureuse des Français. Danse dans les rues de Paris, suicide dans les rues de Londres.




Cependant, vous savez ce qui se passait aussi relativement près de Calais ? L’entité improbable qu’étaient les Pays-Bas espagnols. En 1558, à la suite d’une série de sauts de puce royaux, les États du Saint Empire romain germanique des Pays-Bas (aujourd’hui la Belgique, le Luxembourg, le sud des Pays-Bas, une partie du nord de la France et une partie de l’Allemagne) sont soudainement placés sous le contrôle des Habsbourg d’Espagne : Et le roi Philippe II (1527-1598) n’était pas le souverain bienveillant qu’avaient été les ducs de Bourgogne. Maintenant que l’Espagne avait des troupes stationnées dans les Pays-Bas espagnols, Philippe avait les moyens de peser de tout son poids sur l’Europe du Nord. Comme on pouvait s’y attendre, une partie de son poids s’est portée sur la France, où, au début des années 1590, Henri IV (1553-1610) tentait de s’assurer le trône en dépit de son appartenance au protestantisme.
La simple idée d’un roi protestant en Europe était bien sûr ridicule, comme Philippe et de nombreuses autres têtes couronnées voisines l’ont souligné avec véhémence. Henri finit par renoncer au protestantisme pour devenir roi de France en 1593, mais à ce moment-là, tout le monde en Europe avait déjà en tête un candidat bien plus approprié pour la royauté française, et Henri déclara finalement la guerre à l’Espagne en 1595. En 1596, Calais fut assiégée par une armée espagnole et, une fois de plus, les fameuses écluses du fort Nieulay ne servirent à rien et la ville tomba aux mains des Espagnols le 24 avril 1596. Les Espagnols reconnurent le système d’écluses de Fort Nieulay, brillant mais inutilisé, pour l’atout stratégique qu’il représentait, et améliorèrent la position en abaissant la hauteur des quatre tours du fort anglais et en entourant l’ensemble de bastions de terre en forme d’étoile à quatre branches. Leur séjour à Calais est cependant de courte durée, car le traité de Vervins (2 mai 1598) les oblige à quitter le territoire français.
En 1610, Louis XIII (1601-1643), âgé de huit ans, monte sur le trône de France. Tout enfant de huit ans a naturellement besoin d’une supervision sérieuse pour régner sur une grande nation européenne, mais il s’est avéré que Louis était un peu timoré et que, même après avoir vieilli, il n’était pas en mesure de régner seul sur quoi que ce soit. C’est donc une variété de personnes à la volonté plus forte qui ont gouverné la France pendant l’administration de Louis XIII, et c’est pourquoi nous devons remercier le Cardial Richelieu (1585-1642) pour la version 3.0 du Fort Nieulay. C’est à l’Éminence rouge que l’on doit l’amélioration de notre fort en 1637, qui a permis de consolider la fortification espagnole et d’ajouter une très belle corniche du côté est du pont sur la rivière Hames. La garnison permanente de ce Fort Nieulay était composée de 80 hommes.

Vous remarquerez que l’image ci-dessus à droite du Fort Nieulay de Richelieu montre que le nom du fort est “Nieulet”, ce qui pourrait être une francisation de l’anglais “Nieulay” ?
Ce que je n’arrive pas à découvrir, c’est si les Anglais appelaient leur version du fort Nieulay ?
Et lorsque les Espagnols tenaient le fort, l’appelaient-ils “Gnuleigh” ?
Cela me semble peu probable.

Aussi importantes que soient les écluses de Fort Nieulay, elles se trouvaient toujours à l’extérieur du fort, tout comme le pont sur la Hames, ce qu’un Vauban (1633-1707) à l’œil aiguisé reconnut immédiatement lorsqu’il vint en visite en 1675. Sébastien Le Prestre de Vauban était bien sûr le père de la forteresse étoilée, dont les principes novateurs de fortification ont défini la forteresse étoilée pour le reste de l’histoire de la forteresse étoilée. Il ordonna que le fort Nieulay soit rasé et qu’une nouvelle fortification soit construite légèrement à l’est, entourant cette fois le pont et les vannes. C’est le dernier fort Nieulay que nous voyons aujourd’hui, car personne ne pouvait construire une meilleure forteresse étoilée que Vauban !

À la fin du XVIIIe siècle, Calais avait dépéri, les ports français concurrents de Dunkerque et de Boulogne ayant pris de l’importance. Alors que des tas de gens étaient décapités de manière amusante dans le reste de la France pendant la Révolution française (1789-1793), Calais n’a pas pu profiter de cette expérience culturelle importante. Tout comme Jules César avait trouvé à Calais le lieu idéal pour entreprendre une invasion de la Bretagne, Napoléon (1769-1821) avait des projets similaires, et une armée française s’est regroupée à Calais en 1805 pour se préparer à franchir le détroit de Douvres. Les terres marécageuses entourant Calais ont été “assainies” au cours de la première moitié du XIXe siècle, et les écluses du fort Nieulay ont finalement pu être fermées ou ouvertes, juste pour le plaisir, sans qu’il en résulte de dévastation aquatique. La garnison restante a dû s’amuser à jouer avec ces vannes ! Bien qu’il semble qu’elles aient pu être manipulées à bon escient à plusieurs reprises au cours de l’histoire, l’option des écluses n’aurait été qu’un ultime effort : Imaginez la dévastation de tout ce qui entoure la ville si la zone était inondée comme prévu ! Une telle destruction aurait peut-être été préférable à la capture par une puissance étrangère, mais pas de beaucoup.

Les régions de France qui étaient contestées par d’autres s’éloignèrent de Calais et le fort Nieulay tomba dans un état de ruine prévisible. Le fort fut finalement démantelé en 1903, son intérieur étant loué à des fermiers locaux comme corral pour le bétail. Si l’on y réfléchit bien, il s’agit là d’une reconversion idéale pour un fort fermé, à condition que le bétail soit suffisamment responsable pour ne pas tomber dans les cages d’escalier ou être heurté par la maçonnerie qui s’écroule.Le dernier conflit du Fort Nieulay n’a pas eu lieu entre des tas de caca de vaches, mais s’est déroulé pendant la Seconde Guerre mondiale (1936-1945). Alors que les nazis écrasaient le corps expéditionnaire britannique en vue de sa retraite héroïque de Dunkerque en mai 1940, une petite force de 3 000 Britanniques et 800 Français s’est retranchée à Calais, ce qui a forcé les Allemands à détourner le 10e corps de Panzer, des moyens d’artillerie et finalement un important contingent de la Luftwaffe pour l’écraser. Les avis divergent, mais cette action désespérée a probablement aidé 300 000 soldats britanniques à évacuer Dunkerque.

Bien que le fort de Nieulay soit déjà dans un état très dégradé, un petit nombre de troupes françaises a tenu tête aux Allemands pendant quelques jours, jusqu’à ce qu’un barrage massif de chars les convainque que la Seconde Guerre mondiale n’est pas un endroit pour un fortin, et qu’ils se rendent. Calais a été rasé par les Panzers, l’artillerie et les bombardements de précision des Stuka au cours de cette bataille de trois jours, et seuls 400 défenseurs britanniques/français ont été “hissés” en lieu sûr par la Royal Navy.

L’Allemagne fait de Calais son quartier général pour la défense côtière de la Forteresse Europa et fortifie lourdement la ville, s’attendant à ce que tout effort de débarquement allié s’y concentre. Des bombes V1 “Buzzbombs” ont été lancées de Calais sur la Grande-Bretagne, et des canons ferroviaires massifs y ont également été utilisés : Un énorme abri en béton pour canons ferroviaires se dresse toujours de manière menaçante juste à l’ouest de la citadelle de la ville.
Heureusement, Calais a été libérée en octobre 1944 par la 3e division d’infanterie canadienne…. après quoi la RAF britannique a bombardé la ville une dernière fois en février 1945, la confondant avec Dunkerque.
L’une des exportations de Calais est… les galets ! Ces cailloux très recherchés ont causé des problèmes au fort Nieulay lorsque les habitants en ont ramassé des tonnes sur les fondations de notre intérêt actuel après la guerre, provoquant l’effondrement d’une partie du bastion sud-est. Un effort de restauration a toutefois été entrepris dans les années 1980, et le fort Nieulay, à l’allure pimpante et pointue, est aujourd’hui ouvert au public.
